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vendredi 5 juin 2009

La folie douce de Séraphine de Senlis





Séraphine, une production franco-belge de Martin Provost qui a gagné le César du meilleur film français en 2009, a été projeté hier à Seattle dans le cadre de la 35ème édition de son festival de cinéma international. Le temps étant à la canicule depuis quelques jours, j’étais contente d’être dans une salle obscure bien climatisée. Le film a eu un grand succès populaire en France, malgré un consensus critique plus mitigé. Je me range plutôt du côté du public, même si je comprends parfaitement la réticence des juges professionnels du cinéma.

Le film est lent, mais pas ennuyeux. L’histoire est mince et, à mon avis, c’est parce qu’on ne connait pas grand-chose de la vie de Séraphine de Senlis : elle est issue d’un milieu modeste, elle perd ses deux parents à un jeune âge, elle travaille comme bergère avant de devenir femme de ménage. Elle aime Le Seigneur et les anges, et puise son inspiration artistique dans la vie spirituelle. Séraphine aime la nature et communique avec elle. Ses voisins et ses employeurs pensent qu’elle est excentrique et peut être folle, mais ils ont besoin de linge propre et sa folie ne l’empêche pas de s’en occuper. Elle fabrique ses propres couleurs et peigne non pas en cachette mais à ses heures perdues. Elle ne se cache pas, mais elle ne se montre pas non plus. A vrai dire, elle semble complètement indifférente à l’égard des gens qui l’entourent. Elle est marginale, certes, mais pas malheureuse.

L’arrivée d’un collectionneur célèbre à Senlis – il détient la plus grande collection de Picasso et découvre le douanier Rousseau – va faire basculer sa vie de femme de ménage le jour, peintre chantant la nuit. Ce monsieur aime ses toiles et pense qu’elle a du talent. En toile de fond, l’armée Allemande qui avance, qui avance, première guerre mondiale oblige. Wilhelm Uhde et sa sœur doivent partir vite, laissant derrière eux Séraphine et ses toiles. La guerre se termine, ils se retrouvent, et une carrière d’artiste peintre couvée par un collectionneur puissant se profile. Puis, le krach boursier fait trembler la planète et surtout les riches, qui n’achètent plus d’art. La folie douce de Séraphine ne se traduit plus dans ses toiles et s’extériorise. Elle est internée en asile psychiatrique et finira ses jours la-dedans : pauvre, folle et oubliée. Elle est enterrée dans une fosse commune.

Voilà pour l’histoire. Yolande Moreau, l’actrice belge qui joue le rôle de Séraphine est parfaite. On dit que la peinture de Séraphine, l’autodidacte, la range dans la catégorie d’art naïf. Uhde n’est pas d’accord et moi non plus. En revanche, Séraphine – telle qu’interprétée par Moreau, est une femme naïve. Quand elle gaspille l’argent qu’elle commence à gagner grâce à son art et aux soins de son « agent », ce n’est pas par extravagance ni par cupidité. C’est tout simplement parce que l’argent est juste une chose de plus à découvrir. C’est une chose qui permet d’acquérir d’autres choses, jolies celles-ci. C’est sans importance pour Séraphine. Tellement sans importance qu’elle dépense sans compter, jusqu’à s’acheter une maison modelée sur un château célèbre, avec l’argent de son agent. Il reçoit la facture du notaire, mais ne peut pas payer.



J’adore Yolande Moreau. Elle n’est pas belle, mais elle est radieuse. Ses yeux bleus semblent par moment enterrés derrière son front et ses paumettes, et pourtant ils brillent. Elle n'est pas grande mais elle est potelée et se déplace comme un ours. Pourtant, elle est pleine de grâce et de vie. Son rôle dans La fabuleux destin d’Amélie Poulain est mineur et pourtant, quand je pense à ce film, je pense d'abord et surtout à elle, qui incarne Madeleine Wallace à la perfection. Pas étonnant que le César de la meilleure actrice a été discerné à Yolande Moreau en 2009 pour son interprétation de Séraphine. Elle avait déjà été primée en 2005.